La ville de São Paulo a accueilli récemment un événement international sans précédent dans le pays, le Sommet Mondial sur la Télémédecine et la Santé Numérique, avec la noble intention de diffuser parmi ses participants, la santé numérique et l'avenir de la télémédecine au Brésil et dans le monde.
A partir de cette excellente initiative de l'Association Pauliste de Médecine (APM), je me suis posée les questions suivantes : 1. Quel serait le rôle actuel de l'académie dans la formation des futurs médecins au Brésil ? 2. Sommes-nous, membres du corps professoral des facultés de médecine, capables de contribuer aux vrais besoins et désirs de nos étudiants afin qu’ils puissent assumer pleinement la mission d’améliorer chaque vie ?
Face aux récentes déceptions dans le domaine de l'éducation nationale, je pense que les réflexions de cette nature sont de plus en plus pertinentes.
Certes, la génération de millenials n'aura aucun problème à gérer la télémédecine et les nouvelles technologies pour la santé, bien au contraire. Ils ont entre 20 et 30 ans, extrêmement connectés, façonnent chaque jour leur relation avec le monde et recherchent des initiatives qui soient durables ou qu'aient un impact social positif en rapport avec leurs principes.
Au cours des 30 dernières années, la santé a joué un rôle important sur la scène internationale en intégrant de nombreux programmes de politique étrangère et de coopération. Simultanément au contexte de mondialisation de l'après-guerre froide, la santé est revenue sur la scène mondiale avec l'épidémie de VIH / sida, l'un des plus grands défis mondiaux auxquels sont confrontés les pays riches et les pays pauvres. C’est dans cet état d’insécurité que l’Institute de Médicine de Washington publia pour la première fois en 1997, un article mentionnant l'expression global health (santé mondiale) : "Les pays du monde ont beaucoup en commun pour que la santé soit considérée problème au niveau national. Un nouveau concept de "santé mondiale" est nécessaire pour traiter les problèmes de santé qui transcendent les frontières, qui peuvent être influencés par des événements survenus dans d'autres pays et pour lesquels de meilleures solutions peuvent être trouvées grâce à la coopération. " Bien que la littérature sur la définition de la "santé mondiale" reste controversée, ce domaine d’étude vise à améliorer la santé des populations, en analysant les déterminants sociaux de la santé et la lutte pour l’équité en santé dans le monde. C’est un espace multidisciplinaire et collectif qui transcende les frontières et qui doit être traité par des actions communes aux niveaux local et mondial. Selon l'article intitulé "Vers une définition commune de la santé mondiale", Koplan a déclaré "nous ne devrions pas limiter la santé mondiale aux problèmes de santé qui traversent littéralement les frontières internationales. Par global, on entend tout problème de santé qui préoccupe de nombreux pays ou qui est affecté par des déterminants transnationaux tels que le changement climatique ou l'urbanisation. Cependant, la santé mondiale doit également s'attaquer à la lutte antitabac, aux carences en micronutriments, à l'obésité, à la prévention des accidents, à la santé des travailleurs migrants et aux professionnels de santé. La santé globale dans le monde se réfère à la portée des problèmes, pas à leur localisation. Ainsi, à l'instar de la santé publique, mais à la différence de la santé internationale, la santé mondiale peut se concentrer sur les disparités nationales en matière de santé ainsi que sur les problèmes transfrontaliers. "
Le domaine universitaire de la santé mondiale doit intégrer efficacement les dimensions politique, économique, sociale et environnementale de la vie des personnes en étudiant de manière critique l’impact de la dynamique mondiale dans la sphère locale.
La compréhension du rôle des différents acteurs dans la définition des valeurs et des principes liés à la santé publique mondiale et de leurs interactions à différents niveaux d'exercice du pouvoir doit être abordée à travers l'étude de ce sujet dès les premières années de la faculté de médecine.
La santé mondiale est à la mode (essentiellement en dehors du Brésil) et est née à la fin des années 90 avec des millenials. Elle n’existe ici qu’en tant que discipline facultative de la Professeur Deisy Ventura à l'Ecole de Santé Publique de l'Université de Sao Paulo et tant que Master à la Fiocruz. Personnellement, ayant participé à la mise en place d'un partenariat public-privé entre un hôpital universitaire et les autorités locales en matière de santé publique, je suis devenue plus intéressée par la promotion de la santé dans une perspective basée sur la population plutôt que par les soins au niveau individuel. Mon expérience en négociations complexes en matière de santé liées aux brevets, à la propriété intellectuelle et à l'accès difficile à des médicaments et produits spécifiques m'ont permis de reconnaître les facteurs externes qui influencent la politique de santé nationale, tels que le commerce international, la propriété intellectuelle, les affaires étrangères et le droit international. Pour approfondir mes connaissances sur ces sujets, j'ai décidé de me spécialiser en santé mondiale et diplomatie de la santé à l'Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement à Genève (IHEID).
Depuis lors, la santé mondiale est devenue un élément central de ma vie professionnelle. Même étant déjà enseignante en Neurologie depuis 2010, j'ai abandonné ma zone de confort et j'ai introduit (de ma propre initiative) la discipline de Santé Mondiale au Département de Santé Publique à l'Université Catholique de Sao Paulo en 2013, devenant ainsi le premier médecin-tuteur de ce sujet dans une école de médecine au Brésil. Lorsque les étudiants ont commencé cette discipline, ils ont eu des difficultés (comme j'avais aussi au début) à comprendre les concepts liés à la politique étrangère, au commerce et au droit international.
C'était un grand défi qu'ils ont affronté avec enthousiasme, esprit ouvert et créativité. À la fin de chaque groupe, j'ai audacieusement appliqué un questionnaire afin que les étudiants puissent évaluer la pertinence de la discipline et je demandais des suggestions. 100% des étudiants ont déclaré que ce cours était une étape essentielle pour leur permettre de mieux comprendre la santé et les relations internationales. Ils ont brillamment compris que la santé était devenue un vecteur de stratégie géopolitique et de soft power. Ils sont devenus experts dans l'analyse des enjeux politiques internationaux et ils ont développés la capacité de reconnaître le jeu de pouvoir des différents acteurs qui affecte la santé collective.
Ils pourraient comprendre, par le biais d'études de cas réels et de simulations de négociations multilatérales et complexes, comment les politiques internationales affectent les activités quotidiennes des professionnels de la santé. Malgré les évaluations positives et généreuses de mes anciens élèves, ma satisfaction à l’égard du cours était loin de ce que je pense être idéal. Ils méritaient plus. J'explique mes raisons. Premièrement, puisque j'étais le seul enseignant de cette discipline dans le département, il n'y avait aucune discussion académique ou critique sur ma performance par d'autres enseignants.
Dans mon expérience universitaire à l'étranger, les discussions intellectuelles entre collègues ont considérablement enrichi mes objectifs éducatifs. Deuxièmement, il existe encore de très rares initiatives pour des échanges interdisciplinaires, des partenariats et des recherches interdisciplinaires axées sur la santé mondiale en dehors du champ des grandes universités publiques. Les voyages/échanges éducatifs permettent aux étudiants d'apprendre directement avec les leaders en santé et des chercheurs d'autres pays dans un environnement collaboratif, en les préparant à de futures interactions professionnelles et en trouvant des solutions plus adaptées à la culture ou à la réalité locale. Même avec peu de ressources et une charge horaire limitée, j'ai pu transmettre la passion de ce thème toujours pionnier au Brésil pour de nombreux étudiants. Certains d'entre eux ont choisi de se spécialiser en médecine familiale et communautaire. Un étudiant s'est démarqué de façon spectaculaire et a été choisi parmi les six membres de la délégation brésilienne pour participer à la réunion mondiale sur les soins de santé primaires organisée par l'OMS à Astana (Kazakhstan) l'année dernière. Une de mes préoccupations exprimée sous forme de question au début de ce texte porte essentiellement sur le conflit entre la santé, la médecine et les intérêts du marché dès les premiers jours de l'internationalisation de la santé à partir du XIXe siècle. Pour Dominique Kerouedan, professeur de santé mondiale à la célèbre faculté de Sciences Politiques de Paris, cette tension est le paradoxe constitutif inhérent à la question de la santé publique mondiale. C’est le cas des véritables motivations de la quarantaine, telles que l’accès des pauvres aux médicaments, dans le contexte de l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), et il est probable que cela se répètera pour les nouvelles technologies de la santé. Sans cette discipline, ils auraient certainement du mal à comprendre les intérêts et les jeux de pouvoir des différents acteurs qui interviennent dans ce domaine et qui ont un impact sur les politiques publiques mondiales.
Les défis actuels et futurs en matière de santé mondiale sont nombreux: vieillissement de la population mondiale, épidémie de maladies chroniques non transmissibles et de leurs facteurs de risque, taux élevé de maladies psychosociales au Brésil, politiques d'austérité avec réductions budgétaires en matière de santé publique, coûts élevés des régimes complémentaires de santé, affaiblissement du rôle de l'OMS, changement climatique, sécurité alimentaire (excès de pesticides, manque d'eau potable), sécuritisation de la santé, migration et violation des Droits de l'Homme, croissance des inégalités locales en matière de santé, philanthrocapitalisme, etc. Il ne fait aucun doute que les progrès technologiques apportent des résultats surprenants. J'ai expérimenté la beauté des dernières technologies dans les traitements neurochirurgicaux endovasculaires que j'ai effectués tout au long de ma carrière. Clover Health, une compagnie d’assurance maladie appartenant à Alphabet (la société mère de Google), qui a depuis longtemps révélé son engagement en matière de technologie, a récemment déclaré qu'il devait avoir un plus grand nombre d'experts en soins de santé qu'en technologie. L'éducation médicale nécessite de toute urgence une adaptation aux temps nouveaux. La santé mondiale transcende les frontières et exige une responsabilité collective. Le processus de construction d'une gouvernance mondiale de la santé a été fortement influencé ces dernières années par de nouveaux acteurs non étatiques et privés, même si les États en représentent toujours l'essentiel.
Nos élèves en médecine doivent être à la hauteur des défis et des acteurs qu’ils devront affronter. L’interdisciplinarité entre médecine, droit, économie de la santé, anthropologie, humanitaire est essentielle pour eux. Nos écoles de médecine ne correspondent plus vraiment à leurs besoins. J'espère que ma génération d'enseignants en médecine et ceux qui l'ont précédée procèdent à l'auto-évaluation à maintes reprises, à la critique de leurs propres performances académiques, s'ouvrent au nouveau avec humilité, osent quitter leurs zones de confort avec enthousiasme et soient à l'écoute de leurs futurs collègues.
La santé mondiale et les millenials sont nés ensemble et, côte à côte, doivent mûrir, évoluer et se développer. Il n'y a pas de frontières dans ces deux univers. Je prie pour qu'ils aillent toujours de pair, pour qu'ils se sentent inspirés l'un pour l'autre, pour que l'éthique globale envahisse tous les espaces où ils se trouvent et que personne ne soit laissé sans soins. Pour cela, faisons la révolution académique qu’ils méritent !
Formada em Saúde Global e em Direitos Humanos em Genebra, abraça a causa da diversidade e da equidade de gênero.